Monday, August 15, 2016

L’Identité dans l’Afrique Postcoloniale: Un Oubli s'est glissé

Dans le glorieux mouvement des indépendances, de négritude revendiquée, d’égalité prônée et de libération de l’Afrique, dans le fourneau de sacrifices sans prix, de combats menés par de braves âmes résolues et inébranlables, un oubli s’est glissé.
L’élan à maîtriser cette nouvelle forme de vie politique héritée du civilisateur nous a fait marchander nos racines contre la nouvelle normalité. Nkrumah, Lumumba, et leurs camarades ont libéré l’homme noir du joug hideux de la domination colonialiste, mais ont oublié son âme dans la geôle occidentale. Et dans bon nombre d’états sub-sahariens, l’indépendance a été proclamée, mais la décolonisation attendra encore. L’indépendance a la cinquantaine mais les colonies ne sont pas redevenues des royaumes.
Je n’ai pas une nostalgie des royaumes et empires ancestraux dans leur forme stricte. La royauté est avant tout un orgueil d’être soi. Je ne suis pas nostalgique d’anciennes monarchies d’Afrique, mais au milieu d’une nuit rythmée par les sanglots pour Beni, je me suis éveillé à une vérité: nous avons chassé le blanc d’Afrique, mais gardé sans l’adapter, sa pensée européenne de la vie nationale, sociétale et individuelle sur la terre d’Afrique. Le blanc a laissé les rennes de nos nations entre nos mains, et nous les avons attrapées et avons essayé de galoper à son rythme, faire autant que possible comme lui. Nous n’avons pas réveillé le cuir dictionnaire du tam-tam des ancêtres, les griots n’avaient aucune place dans le nouvel État. L’arbre à palabre a perdu sa querelle face au soleil équatorial et ses cendres ont une odeur de silence.
Nous avions la Rhodésie, Brazzaville, Léopoldville, …certains ont sursauté brièvement et il y a eu Kinshasa, Zimbabwe,… mais dans le cœur de l’Africain il n’y avait plus d’Afrique. Robert Mugabe, Patrice Emeri Lumumba, Joseph Kasavubu,  Joseph Désiré Mobutu défendaient l’Afrique et portaient des noms d’Europe avant leur nom africain. L’ironie veut que porte moi-même un nom d’Irlande.
L’Occident érigé en paradigme, les racines de l’Afrique brûlées, la peur semée germant merveilleusement dans l’âme de l’âme de l’Africain (mains coupées, lacérations trans-générationnelles du fouet, …), la colonisation avait réussi.
La colonisation est à mon avis l’opération la plus réussie de l’histoire des relations internationales.
Et ce, simplement du fait que les colonies sont convaincues qu’elles ne sont plus des colonies, elles vous le prouveront par a plus b. Et beaucoup d’Africains riront de ce papier. Mais l’Europe continue de récolter ses fruits sur nos terres, par nos mains, dans notre sang.
Les ponts linguistiques qui reliaient les peuples depuis des siècles et des siècles ont été emmurés dans le français, l’anglais, le portugais, l’espagnol. Nos enfants tètent et s’endorment en français. Nos langues originelles finissent lentement mais sûrement de boire le calice d’une agonie prévisible.
Le plus grand mystère pour moi reste de savoir comment des leaders qui ont consenti des si grands sacrifices ont permis que le cours d’histoire nous soit enseigné du livre écrit des blancs. Je connais Charlemagne, mais je ne connais pas le nom du père du père de mon père.
Nous pourrons user de machettes, de commissions vérité et réconciliation, de kalache et de slogans retentissants, mais le développement ne viendra pas, car le progrès ne vous ouvre les bras que si vous avez une âme.
L’ADN de l’Afrique a été blanchi. Dans l’Afrique reprise à l’homme blanc il n’y avait plus d’Afrique. Et le trouble qui met la fièvre dans le sommeil de nos démocraties ne finira pas tant que, dans cette modernité indispensable, nous n’aurons pas redonné la parole à la sagesse de nos griots et tant que nos enfants ne sauront même pas qu’ils avaient une langue à eux, une langue à aimer. A connaître.
Un oubli s’est glissé, et j’ai donné à mes fils des noms d’ailleurs. Un oubli s’est glissé et je parle l’anglais et le français presque sans accents et balbutie comme un nourrisson si je dois parler ma langue maternelle. Je marche dans ces langues avec mes cogitations comme un Mandela dans les cellules de sa prison. Et tes 27ans sont passés des dizaines de fois. Un oubli a été ingénieusement manufacturé et tu l’as consommé sans réserve. L’oubli a ceci de commode qu’il est facile à enfiler et léger à porter. La démocratie a besoin de se faire de longues tresses africaines.
Et pour l’amour de Dieu, pourquoi ne puis-je pas baptiser mon enfant d’un nom d’Afrique !
Maheshe Birindwa